MICHEL LE NOBLETZ - DZ3597

Registration number
DZ3597
Type of boat
Registration date in DZ
1943
End date in DZ
1947
Durée
This boat was registered in Douarnenez for 4 years.
Tonnage
46.93 tonneaux
Place of Construction
Captain(s)
MAGNAN Louis (Dit "BONTON")
Shipyard
Le Gall au Port Rhu Douarnenez
Notes

 

Chantier Le Gall. Commandes 1930-1976 :

Registre d'armement Transmis par Audierne Bateaux :

Témoignage de Michel Magnan, fils de Louis, patron des Dz 3138 et DZ 3597 (suite) :

… A ce moment ça commençait à être la bousculade pour faire des bateaux, vu l’évolution des troupes à la fin 43, les gens voyaient que la guerre n’aurait plus duré des siècles. Mon père avait décidé de faire son bateau chez Alfred Le Gall au Port-Rhu, le chantier était situé où se trouve la forge entre EDF et la maison des arts. Le bateau fut construit en 40 jours, il y avait 35 charpentiers chez Alfred.
Le "Michel Le Nobletz" fut lancé au début 1944, mon père continuait toujours de naviguer sur l’autre bateau. Le jour du lancement, comme c’était la coutume, le bateau était amené à quai sous la grue qui se trouvait en bas des escaliers du grand pont. Les semaines suivantes les caisses à Gas-oil et le moteur furent mis à bord.
Le lendemain du lancement, au matin, la mer était haute. Quand mon père se rendit au Port-Rhu, il ne vit que les amarres, le bateau était au fond, rempli d’eau. A la marée descendante il fallut les pompiers pour vider l’eau et les charpentiers pour calfater certains bordées.

Note from John Mcwilliams :
«I recently found in the Newlyn Harbour Arrivals Book for 1939-1945:
20 Februzry 1945<; Michel le Nobletz. French. Magnam. From Salcombe via Plymouth. For orders. Sailed Douarnenez 21.2. »
Note de John Mcwilliams :
«J’ai récemment trouvé dans le Registre des Arrivées du Port de Newlyn (1939-1945) :
20 février 1945. Michel le Nobletz. Français. Magnam. En provenance de Salcombe via Plymouth. Pour ordres. Cap sur Douarnenez le 21 février 1945. »

Suite du témoignage de Michel Magnan, fils de Louis.

Le Michel Le Nobletz en 1947

Fin 44 lorsque mon père avait armé le Michel Le Nobletz, il avait donné son Michel Nobletz à commander à un de ses matelots qui avait son brevet. Il s’appelait Corentin Hascoët. Il se débrouillait pas mal, il avait bien appris le métier avec mon père. Quand mon père parlait, on sentait qu’il avait la nostalgie de son ancien bateau le Michel Nobletz, c’était un bateau construit en 1934 avec lequel il en avait vu des tempêtes, il avait une quille en fonte, mon père l’appelait le sous-marin, c’était tout dire.
La campagne de maquereaux débutait en général mi-février, en janvier les matelots qui n’avaient pas d’embarquement cherchaient une place. Un jour à l’heure de midi, nous étions à table lorsque quelqu’un frappe à la porte, "Entrez !", c’était deux jeunes tréboulistes qui cherchaient un embarquement. Ils avaient entre dix-neuf et vingt ans (Raymond Celton et Roger Doaré). "Ton Louis on est venu voir si tu n’avais pas une place disponible", à ce moment-là l’équipage était soi-disant complet. Mon père leur dit que c’était complet, voyant les pauvres jeunes déconfiturés, ma mère dit à mon père : "Si tu ne peux pas prendre les deux, prends au moins un." Mon père ne voulait rien entendre. Pour finir tout, ma mère parvint à le convaincre et mon père dit alors qu’il ferait un effort de prendre un mais pas deux. Je vois toujours Raymond et Roger tirer la place à pile ou face, c’est Raymond qui fut pris, qui aurait pensé qu’il venait de jouer sa vie à pile ou face. Roger trouva une place sur un autre bateau, au courant de l’année il rentra au service militaire, il rempila et fit une carrière de trente ans dans la Marine Nationale.

Les veuves qui cherchaient aussi des places pour mettre leurs filets étaient nombreuses. Mon père avait déjà 10 jeux de filets de veuves, en général c’était le maximum car un jeu c’était 6 filets, 22 jeux pour l’équipage, 10 pour les veuves, ça faisait 192 filets. Plein de filets c’était bien pour pêcher mais l’inconvénient c’était quand le mauvais temps venait car il fallait sauver le matériel, par beau temps ou temps moyen, ils étaient relevés de 3 heures du matin jusqu’à midi, par mauvais temps ça devenait plus compliqué. Cette année-là une veuve qui avait perdu son mari au début de la guerre (le bateau avait été mitraillé par les Allemands, tout l’équipage avait péri) vint demander la place, mon père eut pitié d’elle et pris 6 filets.

Chaque bateau avait sa place à quai, toujours la même à quelques mètres près, bout au quai. Mon père, avait sa place devant la glacière Courtois, le long du mur de la glacière il y avait un banc en bois qui faisait une trentaine de mètres. Les vieux marins venaient y faire la partie de blague. Comme mon grand-père faisait partie du groupe, mon père disait au mousse d’aller leur servir un coup de rouge, et ce tous les après-midi. C’est pour cela que lorsque le Michel Le Nobletz était à quai, le banc était toujours bien garni.

La campagne démarra normalement, les bateaux pêchaient en général à proximité des bancs de Melville, Shamrock et Parson dans la partie ouest de Ouessant. Lors des pleines lunes, vu que les filets dérivants étaient flottants, les bateaux restaient à quai, avec la lune les maquereaux évitaient les filets. Au début avril, mon père était dans la cuisine en train de ramender ses filets amarrés à la fenêtre, dans le journal du jour il était écrit que quatre bateaux de pêche du Guilvinec s’étaient échoués en rentrant au port par mauvais temps sur les Etocs (chaîne de roches auprès de Penmarch). Les quatre équipages étaient portés disparus.

Quelques jours plus tard, passé la lune, tous les bateaux reprirent la mer. Arrivé sur les lieux de pêche, le maquereau n’était pas au rendez-vous. Les bateaux n’avaient pas la radio. Mon père qui devait être en pêche auprès de La Brise, alla lui parler de vive voix. Ils décidèrent de monter jusqu’à Johannes Bank dans le Nord-Ouest des Scilly, personne n’était jamais monté aussi haut chercher le maquereau. Toute la flottille rentra avec des pêches moyennes ou nulles, Louis Cariou et mon père rentrèrent avec une très bonne pêche. Nous étions à la mi-avril, la marée suivante toute la flottille irait à Johannes Bank. Du coup au lieu de partir dans la nuit pour mettre les filets à l’eau le soir, il fallait partir la veille.

Le naufrage
Nous sommes le samedi 19 avril 1947, comme toujours mon père a des problèmes avec son embrayage Brevaut. Avant d’appareiller dans l’après-midi, il veut faire des essais en baie. Le mécanicien de terre Pierre Laurent et son ouvrier sont à bord, c’est les vacances de pâques, on profite de l’occasion pour faire une promenade en baie. Le bateau est stoppé et les manœuvres "En avant, en arrière" ça y va. Au bout d’un certain temps on rentre au port pour débarquer, nous en tant que passagers, et les mécaniciens car si le bateau veut être à Johannes Bank pour le lendemain matin il n’y a pas de temps à perdre. Je me rappelle toujours de la parole de Pierre Laurent le mécano : "J’espère que ça tiendra !".

Le mercredi 23 avril, la tempête se déchaîne, on le saura plus tard. Le "Rayon Vert" (bateau de François Hereus) se trouve à proximité du "Michel Le Nobletz", il l’aperçoit à 12h30, un grain arrive, la visibilité se réduit sous grain, le grain passé, il ne voit plus de bateau, il se dit que peut-être la visibilité n’est plus aussi bonne…

La marée devait durer entre six et dix jours suivant la pêche. Les bateaux rentrent au port au fur et à mesure. Tonton Jean Le Grand le père de Lili Gall va tous les jours au port vers 6-7 heures, lorsqu’il rentre à la maison, toujours rien. Entre temps un avion est allé sur zone en reconnaissance, un beau jour, une lueur d’espoir, l’avion a reconnu un bateau mais faux espoir, le bateau reconnu est le DZ 3497 c’est "le Petit Patrick" qui lui est bleu. Le "Michel Le Nobletz" DZ 3597 est blanc.

Vers le 10 mai l’administrateur, le maire, le curé et les corps constitués commencent leur tournée pour annoncer officiellement qu’il n’y a plus d’espoir. Dans la rue Plomarch sur les 18 disparus, il y en a 8, un peu plus il y en aurait eu 9, Lili Gall qui avait 20 ans en mars, devait aller normalement au service comme tous les inscrits maritimes, le 15 du mois suivant ses 20 ans. Mon père avait réussi à obtenir un sursis pour qu’il ne parte que le 15 juin lorsque la campagne de maquereaux serait finie. Mais voilà qu’un copain à lui, le frère à Pierrot Cabillic, partait seul le 15 avril au service, Lili décida de partir avec lui, c’est comme cela qu’il sauva sa peau.

Son frère Henri n’eut pas la même chance, à bord des bateaux en général il y avait 2 mousses qu’on appelait "les mousses à terre". Leur jeu de filets était embarqué et donc, comme les veuves, ils touchaient une ½ part pour leurs filets plus un ¼ de part pour travailler à bord quand le bateau était à terre. Quand venaient les beaux jours ils allaient en mer chacun leur tour et alors ils touchaient une part. Arrivé la mi-avril mon père considérant qu’on allait vers les beaux jours avait décidé qu’un des 2 mousses à terre irait en mer. Là encore ce fut à pile ou face, c’est Henri le frère de Lili qui fut désigné, l’autre Jacques Mayter resterait à terre. Son père à Jacques était parmi les disparus, le père et le fils auraient pu être perdu ensemble.

J’eus beaucoup de chagrin à la mort de mon père, je ne faisais que dire que je n’aurais pas dû débarquer le samedi 19 avril, comme cela je serai mort avec lui.

A la mi-mai 47, après le naufrage de mon père, Alexis Laurent (qui était actionnaire du bateau) vint à la maison et dit à ma mère que comme il restait encore 2 ou 3 marées à faire, Louis Cariou, le patron de La Brise, était content de prendre les filets, la ½ part aurait toujours donné un coup de main, en effet les 2 ou 3 marées furent honnêtes.

Au début de l’été pas loin de Penzance, on retrouva à la cote une bouée couronne appartenant au "Michel Le Nobletz". Un cousin, Pierre Magnan passa par Newlyn pour la récupérer, elle a été amenée rue Plomarch, je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Soi-disant sur cette bouée couronne il y avait un bout amarré, on a eu fait la supposition qu’aussi bien il y avait pu avoir un homme à la mer, et en essayant de le récupérer le bateau venant de travers aurait ramassé une mauvaise lame, ce ne sont que des suppositions.


Naufrage :
Perdu corps et biens dans la tempête du 23 avril 1947.
Dix-huit disparus :